Viva l’Opéra (Comique!) ou le fantôme de l’Opéra-Comique

Une comédie lyrico-musicale qui retrace les grandes heures de la salle Favart. On connaît les sinistres exploits du fantôme de l’Opéra  il était temps de s’intéresser à son collègue de l’Opéra-Comique, charmant fantôme celui-là qui, depuis les tréteaux de la Foire Saint-Germain, accompagne l’existence du plus populaire théâtre lyrique français… Agencés dans l’écrin d’un texte contemporain et spirituel, les joyaux de l’Opéra-Comique brilleront dans leur version originale.

Texte de Benoît Duteurtre

On connaît les sinistres exploits du fantôme de l’Opéra, celui qui séquestre les divas et fait tomber des lustres sur le public, avant de disparaître dans le lac souterrain du palais Garnier. Il était temps de s’intéresser à son collègue de l’Opéra-Comique, charmant fantôme celui-là qui, depuis les tréteaux de la Foire Saint-Germain, accompagne l’existence du plus populaire théâtre lyrique français. Les épreuves n’ont pas manqué dans sa longue existence, rythmée par la censure, les incendies, les déboires financiers d’une salle souvent traitée en parent pauvre. Mais il conserve en toute circonstance l’amour du répertoire que lui ont légué Boieldieu, Adam, Auber, Bizet, Massenet, Gounod, Chabrier, Debussy ou Poulenc.

Quand Jérôme Savary m’a proposé d’écrire un spectacle, retraçant les grandes heures de la salle Favart, j’ai voulu d’abord donner à entendre quelques morceaux choisis de ce trésor musical – sans oublier d’autres pages oubliées de Dauvergne, Grétry, Rousseau, Hérold, Thomas, Charpentier, Messager…

Pour raconter cette histoire, ponctuée d’airs et d’ensembles, j’ai imaginé une rencontre entre quelques personnages d’aujourd’hui : un bourgeois bohème, une cadre dynamique, une apprentie artiste qui postule pour la StarAc, un ancien musicien d’orchestre, une improbable diva devenue professeur de chant et son élève ténor – tous rassemblés dans une réunion un peu prétentieuse : un  » thé culturel  » où l’on boit, où l’on mange, en échangeant des connaissances artistiques.

Leur conversation approximative (l’histoire revue par les lieux communs d’aujourd’hui) fait écho aux souvenirs plus précis du fantôme de l’Opéra-Comique qui, ce soir, se morfond seul dans son théâtre (c’est jour de relâche). Toute la compagnie finira par le rejoindre sur la scène de la salle Favart…

Dans une mise en scène de Robert Fortune (qui a accompagné attentivement la genèse de ce projet) et avec le concours d’un plateau de grands chanteurs, je n’ai qu’un seul vœu à formuler : que cette comédie musicale, rassemblant quelques chefs d’œuvres du répertoire français, entre dignement au répertoire de l’Opéra-Comique dont on retrouve ici les codes : l’alternance de parlé et de chanté, le caractère en demi teinte mêlant comédie et sentiments amoureux, le goût du beau chant et le plaisir de la musique, dans le cadre de ce que Weber appelait un « opéra de conversation ».

Benoît Duteurtre

Un ouvrage inattendu

En faisant chanter à des personnages contemporains des refrains parfois désuets (et se rapprochant par cela de ces auteurs de Vaudeville qui mettaient des paroles nouvelles sur des mélodies très connues) en appliquant son ironie et son sens de la caricature aux petits travers du monde lyrique, en faisant œuvre d’historien-qui-ferait-semblant-de-ne-pas-l’être, Benoît Duteurtre a couvé un drôle d’œuf baptisé Viva l’Opéra (-Comique) !. L’œuf a éclos. En sont sortis, entre autres, une diva déjantée, un corniste pétulant, un dandy groupie de divettes fanées et même un fantôme d’opéra qui n’affiche aucune des affreuses manières de « l’autre ».

Tout cela fait un ouvrage fort inattendu que l’on pourrait qualifier d’O.L.N.I (Objet Lyrique Non Identifié) tenant à la fois de la comédie musicale, de la conférence, de la farce, de la conversation de salon et flirtant souvent avec la poésie mélancolique des vieux disques usés. Le temps y est pulvérisé, les dialogues interrompus, le coq-à-l’âne fréquent et les rideaux de théâtre y dévoilent les coulisses. Tout cela pour nous faire écouter, bien sûr, quelques « tubes » mais surtout une brassée de musiques ravissantes que l’on n’entend plus guère aujourd’hui.

Bref, beaucoup de raisons pour s’y intéresser et tenter l’aventure de le mettre en scène.

Robert Fortune

Un mot du chef

Le répertoire d’opéra comique couvre quatre siècles et plus de deux cent titres. Certains sont entrés au panthéon de l’art lyrique (Carmen, Lakmé, Manon…), d’autres, hélas au purgatoire.

Comment penser que des titres dont le succès fut autrefois immense soient tombés totalement dans l’oubli ? Citons Le Pré aux Clercs et Zampa d’ Hérold, Zémire et Azor de Grétry, Le Domino Noir d’ Auber…

Nous les ferons revivre tous ensemble : le propos de Viva l’Opéra (-Comique) !, comédie lyrico-musicale, est de donner un goût moderne aux chef-d’œuvres du passé. La Salle Favart va vibrer pendant deux mois, grâce à un orchestre de jeunes musiciens et une troupe de sept chanteurs passionnés par ce répertoire.

Aux airs traditionnels de l’opéra comique, par exemple de soprano colorature et de ténor léger, viendront se joindre des ensembles vocaux, n’hésitant pas à faire appel à Mozart dans sa version française, celle que salle Favart a toujours connue. Agencés dans l’écrin d’un texte contemporain et spirituel, les joyaux de l’opéra-comique brilleront dans leur version originale.

Jean-Luc Tingaud

Airs chantés

Hérold, ouverture, Zampa / Gounod, Mireille / Bizet, Les Pêcheurs de Perles / Massenet, Manon / Hérold, Le Pré aux clercs
chanson satirique populaire du XVIIe siècle / Dauvergne, Les Troqueurs / Rousseau, Le Devin du village / Grétry, Zémire et Azor / Auber, Le Domino noir / Verdi, Falstaff / Boieldieu, La Dame blanche / Glück, Alceste / Adam, Le Toréador / Delibes, Lakmé / Offenbach, Barbe-Bleue

Thomas, Mignon / Offenbach, Madame Favart / Messager, Fortunio / Debussy, Pelléas et Mélisande / Gounod, Le Médecin malgré lui / Poulenc, Les Mamelles de Tirésias / Chabrier, Le Roi malgré lui / Offenbach, Les Contes d’Hoffmann / Adam, Le postillon de Longjumeau / Bizet, Carmen / Offenbach, Belle-lurette / Mozart, Les Noces de Figaro.